Le mythe de la capacité de concentration d’un poisson rouge nuit au marketing de contenu

Le mythe de la capacité de concentration d’un poisson rouge nuit au marketing de contenu

Publié par Jason Miller

Certaines statistiques constituent une bonne base pour une présentation, dommage qu’elles soient fausses

Au terme du Festival du marketing, nous aurons, vous et moi, perdu le compte du nombre de fois où il a été dit que nous avons une capacité de concentration inférieure à celle d’un poisson rouge. Vous avez forcément entendu des théories selon lesquelles vous devriez planifier et exécuter votre marketing de contenu en tenant compte du fait, études à l’appui, que les êtres humains ont une capacité de concentration de 8 secondes, soit une de moins que nos amis tournant en rond dans leur bocal.

Mais avant d’aller plus loin, j’aimerais que vous m’aidiez à mener une courte expérience scientifique. Quand pour la dernière fois avez-vous réussi à vous concentrer sur quelque chose plus de 8 secondes ? Je suis prêt à parier que vous devez revenir en arrière de peut-être trois minutes. C’est exact, vous vous êtes concentré pendant bien plus de 8 secondes plusieurs fois aujourd’hui. Si vous êtes arrivé jusqu’ici sur ce billet de blog, vous l’avez fait une fois de plus. Félicitations ! Vous êtes indéniablement exceptionnel, car comme les marketeurs le disent depuis les 18 derniers mois, des études prouvent que les êtres humains ont une capacité de concentration de 8 secondes uniquement.

Sauf qu’il n’en existe aucune preuve. En fait, la seule chose que démontrent les informations de ces études, c’est que les marketeurs se préoccupent probablement moins que les poissons rouges de l’origine de leurs statistiques.

Les origines du mythe de la capacité de concentration de 8 secondes

Si vous posez la question, on vous répondra le plus souvent qu’une étude menée par Microsoft au Canada en 2015 a démontré que notre capacité de concentration est inférieure à celle d’un poisson rouge. Ces personnes ont toutes tort, mais ne leur en voulez pas. De nombreux journaux et magazines respectables, du Daily Telegraph au TIME, ont tous rapporté que Microsoft avait découvert que notre capacité de concentration est désormais inférieure à celle d’un poisson. Ils avaient tous tort.

Cette étude de Microsoft existe bel et bien. Elle s’appuie sur des enquêtes quantitatives et des études neurologiques impressionnantes. Le rapport inclut même une infographie montrant que les capacités de concentration humaines sont passées de 12 secondes en 2000 à 8 secondes en 2013, en dessous de la capacité de concentration moyenne de 9 secondes d’un poisson rouge. Le seul problème, c’est que cette infographie ne reposait pas sur des découvertes de l’étude menée par Microsoft. Elle est tirée de Statistics Brain. Le site web Statistics Brain propose un vaste éventail de sources pour ces statistiques en particulier et d’autres. Aucune d’entre elles ne semble mentionner les capacités de concentration des êtres humains ou des poissons rouges. Lorsque vous y regardez de plus près, les statistiques dominant le débat marketing depuis mai 2015 ne se basent pas sur des études reconnues. Jonathan Schwabish du site web policyviz a mené sa propre enquête (plus approfondie que la mienne) et n’a rien trouvé non plus.

Par conséquent, le “fait” selon lequel notre capacité de concentration est inférieure à celle d’un poisson rouge n’est pas un fait du tout. Mais que savons-nous de notre concentration et de la stratégie que doivent adopter les marketeurs ? À ce stade, l’idée selon laquelle les êtres humains ont une capacité de concentration inférieure à celle d’un poisson rouge est d’autant plus bancale.

L’attention humaine change, mais elle ne diminue certainement pas

L’étude Microsoft en question, de laquelle ne provient pas la théorie des 8 secondes, contient des découvertes intéressantes sur l’évolution de notre concentration. Mais aucune d’elles ne suggère que nous devrions planifier notre marketing autour d’une capacité de concentration de 8 secondes. En fait, l’étude Microsoft ne fait jamais allusion à ce fameux délai de 8 secondes. Elle ne mentionne pas non plus le poisson rouge.

Vous pensez que le numérique nuit aux capacités de concentration ? Détrompez-vous !

Voici comment Alyson Gausby, Consumer Insights Lead chez Microsoft Canada a résumé les découvertes globales de l’étude. Et elle a raison.

Devinez-quoi ? Nous ne perdons pas de temps sur des tâches inutiles

L’étude a effectivement démontré qu’en passant beaucoup de temps sur plusieurs écrans ou sur les réseaux sociaux, vous êtes moins à même de vous concentrer sur une tâche sur une période prolongée, sous réserve que la tâche en question soit très répétitive et ennuyeuse. La tâche utilisée dans ce test était l’identification de suites de lettres et la réponse à ces suites. Devinez quoi ? Au bout d’un moment, vous avez terriblement envie de penser à autre chose. Votre stratégie marketing peut se révéler problématique si elle repose sur la réalisation d’une tâche inutile sur une période prolongée par des adeptes précoces des réseaux sociaux, sans qu’ils pensent à autre chose. Sinon, nous n’avons rien à craindre.

L’attention humaine devient plus intense et plus efficace

En soumettant les personnes à des tâches fastidieuses, l’étude a découvert que celles qui passaient le plus de temps sur les technologies numériques utilisaient en fait leur attention de différentes façons. Elles avaient une approche plus intensive, plus efficace, et elles récupéraient plus d’informations plus rapidement. Comme le révèle le rapport, “l’adoption des technologies et l’utilisation des réseaux sociaux rendent les consommateurs plus performants dans le traitement et l’encodage des informations via des courts moments d’attention élevée”. En d’autres termes, les changements que connaît notre concentration impliquent que nous pouvons traiter plus d’informations, pas moins.

Ce n’est pas tout. Notre attention s’améliore non seulement dans le traitement d’informations plus nombreuses, mais également dans l’exécution en alternance de différentes tâches, sans en compromettre aucune. En d’autres termes, nous pouvons facilement nous concentrer sur plusieurs choses à la fois. Et toutes ces nouvelles aptitudes sont dédiées à un objectif principal : trouver le contenu qui vaut la peine d’y prêter attention.

La principale conclusion scientifique est assez claire : notre attention ne diminue pas, elle devient plus exigeante. Elle traite les informations de façon de plus en plus intense et elle est presque toujours plus en demande. Le neurotransmetteur responsable de cela est la dopamine chimique, qui est liée au plaisir et produite à chaque fois que nous faisons une tâche valorisante. Lorsque nous trouvons quelque chose d’intéressant, nous avons un pic de dopamine. Lorsque nous passons du temps à lire ou regarder quelque chose d’ennuyeux et d’inutile, ce n’est pas le cas.

Le mythe du poisson rouge nuit au marketing

Le problème des marketeurs est que, si vous essayez de simplifier et de compresser tout le contenu pour l’adapter à la capacité de concentration d’un poisson rouge, vous allez à l’encontre de la dopamine. Ces capacités de concentration agressives et intensives sont loin d’être satisfaites avec l’équivalent de 8 secondes d’idées ou de contenu. Elles en veulent plus. Vous devez communiquer l’importance de votre contenu, son objectif et l’idée qu’il contient quelque chose qui vaut la peine d’y prêter attention. Cependant, il est encore plus essentiel de vous assurer que le contenu lui-même est intéressant, valorisant et qu’il donne des raisons de s’y attarder. Le cerveau humain ne se préoccupe pas de la quantité de contenu qu’il doit consommer ; il peut le faire plus efficacement que jamais. Il s’inquiète de savoir si le contenu vaut la peine d’être consommé ou pas.

Pour conclure, les êtres humains n’ont pas une capacité de concentration inférieure à celle d’un poisson rouge. Si elle change, c’est qu’elle devient plus intense, plus exigeante et plus avide d’informations, et non l’inverse. Si vous avez planifié votre marketing de contenu de sorte qu’il attire les poissons rouges, j’ai bien peur que vous vous soyez fait avoir. Votre audience n’est pas constituée de poissons rouges. Je pense que, dans le fond, vous le saviez depuis le début.