Dans un contexte de pénurie des candidats, la data RH constitue un levier de choix pour prendre l’avantage sur le marché des talents. Travail flexible, mobilité interne ou encore développement des compétences, les professionnels des RH sont confrontés aux mêmes problématiques dans leur quotidien : où mes concurrents recrutent-ils leurs talents ? comment favoriser les parcours transverses au sein de mon organisation ? quelles sont les compétences dont mon entreprise va avoir besoin pour l’avenir ?
Si l’instinct permet d’apporter des éléments de réponse immédiats à ces interrogations, il risque de manquer à terme de précision et de fiabilité. Le recours à une forme de « Talent Intelligence », c’est-à-dire un ensemble de données directement exploitables, permet de compléter cette approche. C’est ce dont ont discuté Mathieu Le Roux (Principal Customer Success Manager chez LinkedIn Talent Solutions), Siwa Echtay (Senior Enterprise Account Director chez LinkedIn) et Éric Dang (Talent Acquisition Manager chez Pernod Ricard) lors d’une conférence du Talent Connect 2024 en France.
Des outils d’agrégation de données, à la base d’une « Talent Intelligence »
LinkedIn Talent Insights et LinkedIn Recruiter sont deux exemples d’outils qui permettent de disposer, en temps réel, de données issues du plus grand réseau professionnel du monde. Il est ici question de données provenant de plus d’un milliard de membres inscrits sur la plateforme (dont 28 millions en France), de 133 000 écoles et d’une taxonomie de 41 000 compétences.
LinkedIn Talent Insights permet ainsi d’embrasser une vision à 360 degrés de l’état du marché. Les insights générés sont exploitables et actionnables à tout moment. Ils donnent des indications sur une multitude d’aspects essentiels pour les recruteurs : le niveau de tension sur le marché de l’emploi, les titres de postes qu’utilisent les talents recherchés, les villes où ils se trouvent et les tendances migratoires à anticiper, les entreprises dans lesquelles ils travaillent et dont les taux de départ sont parmi les plus importants, les compétences qu’ils mettent eux-mêmes en avant sur leur profil, etc.
Une fois que ces éléments de ciblage sont qualifiés, LinkedIn Recruiter permet de savoir comment s’adresser aux candidats. Il est ainsi possible de s’intéresser aux valeurs les plus importantes aux yeux d’une catégorie de professionnels donnée. Par exemples, les data scientists placent le caractère stimulant de leur travail dans le top 3 de leurs critères de recherche. Le recruteur a dans ce cas tout intérêt à adapter ses messages, pour les faire correspondre avec les attentes exprimées par le vivier de talents ciblé.
En plus du fond des messages à adresser aux candidats, se pose la question du « bon moment ». L’ancienneté moyenne des talents au sein de leur organisation donne une indication sur le moment judicieux auquel envoyer un premier e-mail de prise de contact, lorsqu’un professionnel est le plus susceptible de changer d’employeur. En quelques clics, la data RH permet de passer de la planification stratégique à la mise en œuvre tactique des opérations de recrutement.
« La data RH permet au recruteur d’être doté de super pouvoirs. Il peut devenir un ‘HR analyst’ à part entière, en s’appuyant sur des outils d’agrégation de données. » – Mathieu Le Roux (LinkedIn)
La data RH, au cœur de l’évolution du métier de recruteur
En l’espace d’une décennie, le métier de recruteur a évolué d’une fonction support à un rôle de conseiller. Le recours à la data RH contribue à cette évolution, en faisant du recruteur un relais d’informations auprès des managers « métiers » sur l’état du marché et les compétences à cibler. L’une des difficultés propres à la mobilisation de données porte sur des législations très différentes d’un pays à un autre, ce qui est source de complexité pour les entités multinationales.
Il est essentiel de croiser les sources et de ne pas être dépendant d’une seule d’entre elles. En plus d’outils comme LinkedIn Talent Insights et LinkedIn Recruiter, il importe de s’appuyer sur les données internes à l’organisation et sur le système de suivi des candidats (ATS) dont elle dispose. Chez Pernod Ricard, toutes les données disponibles ont ainsi été mobilisées pour procéder à un mapping des compétences existantes dans l’entreprise.
Cela a représenté un travail de longue haleine – rendu notamment difficile par le caractère déclaratif des compétences renseignées –, mais qui permet aujourd’hui de faire du « skills matching » fondé sur une intelligence artificielle. En fonction des compétences dont Pernod Ricard a besoin et de celles déjà maîtrisées par les collaborateurs, des suggestions de formation et de mentoring sont formulées pour combler les écarts observés. L’objectif ici est de promouvoir l’acquisition de compétences de façon transversale, de sorte à éviter une approche de « move up » ou « move out ». Les transitions professionnelles sont ainsi facilitées par une utilisation pertinente de la data RH.
D’autres cas d’usage ont été cités par Éric Dang, en particulier concernant les briefs de recrutement. La data permet de proposer aux managers une présentation fine de leur marché, pour éviter de consacrer trop de temps à la recherche de profils qui n’existent pas ou sont excessivement rares.
Enfin, le suivi des données collectées prend surtout la forme de tableaux de bord, dans lesquels apparaissent des indicateurs classiques (à l’instar du « Time-to-Fill »). La question est avant tout de mettre en place des outils de tracking qui répondent à un besoin et qui ne soient pas inutilement consommateurs de temps. Partir des besoins réels, tel est le conseil sur lequel insiste Éric Dang. Dans le cas de Pernord Ricard, le besoin portait essentiellement sur l’amélioration et la promotion de la mobilité interne. C’est dans cette perspective que les premières utilisations de la data RH ont été déployées, avant de se diffuser à d’autres usages.
J’ai l’impression que le recruteur a beaucoup plus de poids dans les décisions de l’entreprise qu’il y a cinq ou dix ans. Aujourd’hui, il conseille : c’est lui qui a la connaissance du marché et la data associée.
Pernod Ricard
De premières applications concluantes ont été expérimentées par Aircall. Nicolas Serva cite le cas des descriptions de poste, l’IA permettant de générer des textes bien éc²rits dans des délais extrêmement rapides. De même, dans le cadre de la préparation des entretiens, l’IA est susceptible de suggérer des questions pertinentes en fonction des compétences requises pour un poste. Elle peut aussi anticiper les réponses attendues par niveau de compétence, afin d’évaluer aussi précisément que possible l’expertise réelle d’un candidat.
Enfin, l’IA est capable d’enregistrer un entretien et de retranscrire fidèlement les conversations, en qualifiant chaque passage à l’aune d’une compétence. C’est une façon pour le recruteur de se décharger de la prise de notes, pour se concentrer sur la qualité de la relation humaine qui sera décisive en bout de processus.
« C’est très impressionnant ce que l’IA est capable de générer en matière de description de poste. Quand on compare avec des textes produits par des agences externes de haut niveau, spécialisées dans le recrutement, on se dit que c’est assez bluffant. » – Nicolas Serva (Aircall)
Selon Nicolas Serva, les recruteurs qui arrivent sur le marché doivent immédiatement s’habituer à utiliser des outils d’intelligence artificielle. Il est par exemple possible d’interroger une IA générative sur des idées de recherches booléennes à effectuer pour tel ou tel métier. D’une certaine manière, l’IA donne elle-même les clés pour échanger efficacement avec elle.
Mathieu Le Roux
Customer Success Manager
LinkedIn Talent Solutions
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